Résumé Asthénia

Résumé :

Sur la terre d’Asthénia, le spectre d’une menace silencieuse et trop longtemps négligée des hommes et des dieux, trop occupés à leurs guerres de pouvoirs, refait surface : les oubliés du royaume Sombre.

Loin de toutes ces considérations, Kanda, un jeune apprenti mage voué à assister les prêtres sans visage, mi-hommes mi-dieux, va se retrouver malgré lui à devoir secourir son frère fait récemment prisonnier par l’Empereur. Aidé par quelques divinités et par des compagnons de route atypiques, il sera confronté à la dure réalité d’un monde sur le point de connaitre des heures sombres et apprendra à maîtriser ses étranges pouvoirs.

Extrait :

Debout sur la muraille de Kharm, la plus australe des fortifications jumelles, Qilam de Montfroid, roi d’Héridor et son fils Daeric écoutaient le vent. Au loin, un grondement sourd grandissait au fur et à mesure que le soleil de cette fin d’hiver déclinait dans le ciel.
Devant eux, l’immense plaine de Kaddash s’étendait sur près de trois kilomètres, et bientôt cette lande, fraîchement délivrée de sa prison blanche, serait assombrie par des milliers de soldats de l’empire.
Le regard sombre du seigneur balaya du regard le rempart. À ses côtés étaient postés sur le rempart trois cents de leurs meilleurs archers, réputés pour toucher leurs cibles à trois cents mètres. Leurs arcs à double détente étaient faits dans un bois rare qui ne poussait que sur les terres rocailleuses près des montagnes d’Ursk, au nord-est du royaume. L’enchevêtrement de poulies et d’une corde durcie avec de l’urée de Tug, un ruminant venant des plaines d’Igh au nord-ouest d’Héridor, permettait de doubler la distance de lancer par rapport à un arc conventionnel.
       À une centaine de mètres en arrière, deux cents autres archers étaient positionnés sur Kherm, le second renfort. Ces deux immenses remparts, plusieurs fois séculaires, portaient les noms de deux de leurs dieux, Kharm et Kherm. Ils avaient été édifiés à l’embouchure d’un canyon creusé naturellement dans la montagne de Qussoar et que les Héridiens nommaient : « Les Gorges de cristal », en rapport aux galeries de Shô, un minéral très rare et très cher qu’il abritait. Longues d’environ un kilomètre pour cinq mètres de large et plusieurs centaines de mètres de hauteur, elles s’ouvraient d’un côté sur la plaine de Kaddash appartenant à l’empire d’Asthénia, leur ennemi ancestral, et de l’autre sur le royaume d’Héridor.
Qilam considéra fièrement le millier d’hommes armés d’épées et de lourds boucliers défensifs qui attendaient en contrebas, entre Kherm et Kharm.
Restés en retrait derrière Kherm et protégés par cinquante soldats de la garde royale, trois hommes sans visage habillés d’une coule blanche à capuche et ceinturés par une cordelette noire formaient un ersatz de cercle. Il s’agissait des prêtres Thébâs invoquant les divinités protectrices du peuple d’Héridor. Les Thébâs, aussi appelés « Les Enfants des dieux », contrôlaient de puissants pouvoirs. Ces êtres, communiquant par projections mentales, incarnaient le lien tangible entre les Divins et les Hommes.
— Les voilà ! cria une sentinelle.
Qilam, les pommettes saillantes et rougies par la légère brise hivernale, se retourna lentement et fit de nouveau face à la plaine. Il plissa les yeux pour ajuster sa vision et distingua une masse sombre qui grossissait rapidement.
En à peine trente minutes, l’étendue herbeuse fut recouverte de noir et de rouge, couleurs des armures des soldats de l’empire. Leurs premières lignes, accompagnées par les battements réguliers et puissants des tambours de guerre, s’avancèrent jusqu’à environ cinq cents mètres des murailles, hors de portée des flèches héridiennes.
— Père, s’inquiéta Daeric, ils sont très nombreux cette fois-ci. Les éclaireurs nous avaient avertis, mais je n'imaginais pas qu’ils seraient autant.
Le roi, perdu dans ses pensées, ne répondit pas. Il resta un long moment sans bouger, jusqu’à ce que le bruit sourd des percussions s’arrête enfin. Il jeta un œil rapide sur sa droite puis sur sa gauche et s’aperçut que ses hommes jusque-là confiants, sûrs que les remparts les protégeraient encore une fois, s’inquiétaient en voyant le nombre anormalement élevé de soldats ennemis.
— Ils n’attaqueront pas ce soir, ajouta Daeric en voyant le soleil disparaître derrière les montagnes.
     
       Ce que les Héridiens protégeaient de l’empereur : les mines de Bélia. À quelques centaines de mètres en arrière, après plusieurs sinuosités au cœur de la montagne, trois cents hommes lourdement armés étaient postés devant l’unique entrée des mines dans l’éventualité de voir leurs premières défenses tomber sous les assauts de l’ennemi. Les Gorges de cristal abritaient auparavant une large rivière qui prenait source sur le versant héridien des montagnes de Qussoar, et s’écoulait jusqu’à la mer des Deux-Vents, au sud de l’empire. Le cours d’eau fut détourné, il y avait des siècles de cela, par un ancêtre de Qilam, afin d’irriguer la centaine de champs au sud de la capitale et d’ouvrir une route commerciale entre l’empire et Héridor. C’est après quelques fouilles hasardeuses que les Héridiens découvrirent l’unique entrée du gisement dans ce lit nouvellement asséché. Ils commencèrent alors à en extraire les cristaux de Shô, un précieux trésor qui permit à leur économie d’être florissante des siècles durant.
D’ailleurs, il s’agissait de la source principale de conflit entre ces deux belligérants. Le royaume d’Héridor et l’empire revendiquaient tous deux le territoire à l’intérieur duquel se trouvait la mine, mais aucun document prouvant qu’il appartenait à l’un ou l’autre n’existait. Il fallut attendre la fin de la grande bataille de Lonhin qui s’était déroulée sur les plaines de Kaddash pour que Talenord de Jarhad, ancêtre de Qilam, fasse construire les murs de Kherm et de Kharm afin de, selon ses dires, protéger son peuple contre ses ennemis : ce qui n’était pas du tout du goût de l’empereur Xink.
Depuis lors, des générations de Monarques impériaux tentaient de récupérer ce riche morceau de montagne. Selon le traité d’alliance séculaire signé entre l’empereur et ses alliés après cette fameuse bataille, Asthénia s’octroyait le droit de récupérer de toutes manières que ce soit le territoire en question illégalement conquis sans remettre en cause le pacte.
L’embargo, mis en place par l’empire suite à ce traité, affaiblissait les Héridiens, mais ils tenaient bon malgré tout. Seulement, depuis quelques années, les attaques de l’empereur Autis étaient devenues de plus en plus soutenues et régulières. Qilam et Baldrick, ami de longue date du roi et émérite général de l’armée héridienne, soupçonnaient que les filons de Shô d’Asthénia étaient tous taris. Le cas échéant, il fallait vraiment s’en inquiéter car cela aurait pour conséquence de faire grimper le prix du cristal. Leurs mines seraient alors convoitées par tous sur cette terre.
L’embouchure du canyon formait un goulot d’étranglement naturel. Le mur de Kharm avait été construit un peu en retrait de ce delta, de telle sorte que les armées ennemies ne pouvaient qu’attaquer par salves successives de rangées de cent hommes. Trois cents archers bien préparés et frais pouvaient défendre ce lieu plusieurs jours, mais face à une telle armée, ils manqueraient de munitions.
Qilam ne disait toujours rien, la bouche crispée par l’anxiété et les yeux tournés vers l’immense armée asthénienne. Il avait, depuis près de quarante ans, dirigé et protégé le royaume et devrait repousser l’envahisseur encore une fois. Seulement, aujourd’hui, le roi avait un mauvais pressentiment, quelque chose d’inexplicable.
À cinquante-neuf ans, il portait encore parfaitement l’armure surmontée d’un tabar bleu et or, couleurs royales d’Héridor. Son heaume, richement décoré par plusieurs cristaux de Shô, laissait apparaître son profond regard noir, contrastant avec son teint pâle. Sous son casque, on distinguait un faciès austère et marqué, de-ci de-là, par de profondes rides et cicatrices, vestiges de l’usure du temps et des combats passés. Son visage court se terminait par une mâchoire carrée masquée par une longue barbe grisonnante parfaitement entretenue, à l’image de sa chevelure.

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